fbpx

Les dessous de l’accord Festina-Tesco

Coup de tonnerre dans le petit monde du vélo belge. La formation Festina s’associe au géant britannique de la grande distribution, Tesco. Ensemble, les deux sponsors affichent de sérieuses ambitions et pas mal de moyens. Retour sur les moments clés d’un accord historique.

Logique et logistique

Ce n’était un secret pour personne, le management Festina était à la recherche d’un partenaire supplémentaire pour renforcer l’encadrement logistique de la formation. C’est suite aux lacunes matérielles (crevaisons à répétition) durant le dernier Tour de Bonneville que cet objectif était devenu une priorité pour la direction d’équipe. Ces dernières semaines, plusieurs pistes à l’étranger avait déjà été évoquées. Mais sans succès jusqu’ici, de nombreux observateurs commençaient à douter des perspectives d’avenir pour la formation dans le peloton BCF ProTour (lire dans nos colonnes l’énigme Festina).

L’équipe Festina en contestation d’une pénalité suite à l’abandon de Anthony Delhasse (sur crevaison) lors du contre la montre au Tour de Bonneville 2019.

Le voile est donc levé. C’est le géant britannique Tesco qui viendra soutenir les horlogers pour les deux prochaines saisons. Interrogé sur le sujet, le tout nouveau directeur sportif Festina-Tesco s’en réjouit: “La Festina dispose d’une grande expertise sportive et stratégique après des années dans le peloton professionnel. Mais il nous manquait un “As” de la logistique. Un partenaire solide sur lequel nos gars pourront s’appuyer sans avoir peur de la crevaison à chaque passage un peu cabossé. Pour nous, c’est énorme de bénéficier de l’expertise d’un acteur de la grande distribution. Il faut bien se rendre compte que les magasins Tesco, c’est plus de 4000 points de vente au Royaume-Uni. Approvisionner tous les matins par près de 800 camions. En matière logistique, c’est du solide.

Il nous manquait un “As” de la logistique.

Laurent Moies
Directeur sportif Festina-Tesco

Du coté Tesco, la surprise est de taille également. Il y a encore quelques jours, la marque s’était positionnée pour l’organisation des Championnats du Monde à travers la création d’une équipe semi-professionnelle, Tesco-Meubles Mahieu. Un projet belgo-britannique ambitieux, mais qui ne verra finalement pas le jour. Le supposé Directeur sportif du projet, Mathew Halflants, clarifie la situation: “Sans assurance de pouvoir organiser les Championnats du monde, la formation était en grand danger. A distance il aurait été difficile d’aligner nos coureurs sur les classiques BCF. Alors soyons francs, sans les Championnats, nous avions très peu de chance de participer au prochain Grand Tour. Pour les sponsors et pour les coureurs, nous ne pouvions pas prendre ce risque en terme de visibilité”.

L’ex directeur sportif du projet Tesco-Meubles Mahieu face aux caméras lors de l’annonce officielle de l’accord Festina-Tesco.

Les Championnats du monde en ligne de mire

Si l’accord fait les choux gras dans la presse spécialisée, c’est aussi parce que Festina-Tesco fait coup double. En s’associant, les deux seules formations à avoir soumis une candidature pour l’organisation des Championnats du monde sont assurées de se voir attribué l’événement en 2020. Un atout majeur pour la nouvelle équipe et ses sponsors. Au lendemain de sa création, la “FT” devient la première équipe à obtenir une licence Pro-Tour pour les deux prochaines saison et à se qualifier pour le Grand tour. 

Si rien d’officiel n’a encore filtré sur le lieu des prochains championnats du monde, des bruits de couloirs semblent confirmer le projet britannique initié par Tesco-Meubles Mahieu. L’organisation des Championnats sur ses terres aurait été une condition non négociable pour que la marque britannique se lance dans l’aventure. Expert en marketing à la haute-école de La Louvière, Stéphane Lamboux nous partage son avis sur cette décision: “La marque Tesco a cette particularité d’être très méconnue en Europe alors qu’elle accompagne le quotidien de millions de britanniques outre-manche. Ce “partnership” représente donc pour eux une vrai vitrine sur l’Europe. Mais il aurait été audacieux de s’engager dans l’aventure sans l’assurance d’un retour publicitaire auprès de ce qu’on appelle le “home market”. D’autre part, là où Tesco est une marque populaire et accessible à tous, les montres Festina représentent l’excellence, la classe à l’espagnole. On est donc sur un partenariat “win-win” où les deux marques vont pouvoir s’ouvrir vers une nouvelle audience.

D’un point de vue sportif, on se prépare en tous les cas pour une saison à succès. Un calcul rapide des statistiques publiées par les coureurs sur les réseaux sociaux confirment la tendance avec près de 1000 km cumulés sur l’unique mois de janvier. La question que tout le monde se pose est donc de savoir jusqu’où Festina-Tesco pourra aller. Si les Championnats du Monde au Royaume-Uni devaient se confirmer, le sponsor devrait certainement galvaniser les coureurs. Selon Conor Simwon, commentateur pour la chaîne régionale Peak District Cycling:

“Avec un sponsor aussi émotionnel, on peut s’attendre à des scènes de liesses similaires au public sur la route des Alpes lorsqu’on voit passer la Française des jeux.”

Conor Simwon
Peak District Cycling

Every little helps

Comme la devise des magasins Tesco l’indique (“Every little helps” – Chaque petite chose aide), il aura fallu négocier chaque détail pour arriver à un accord entre les deux investisseurs. Par le biais d’un représentant commercial de la marque, nous pouvons confirmer que Tesco espérait non seulement imposer deux coureurs dans le projet sportif Festina (Al Rings et Mathew Halflants), mais surtout devenir le sponsor principal d’une formation Tesco-Festina. En échange, les britanniques assuraient l’organisation des Championnats du monde et la qualification automatique de Festina pour le prochain Grand Tour. Ce projet sera rejeté par Festina qui refuse de céder son statut de sponsor principal.

Tesco fera alors des pieds et des mains pour trouver une alternative tout en assurant sa visibilité (un sponsoring principal d’une année, celle des Championnats du monde, fût notamment envisagé). Mais, comprenant bien qu’en l’absence d’accord le projet Tesco était vouée à disparaitre, Festina serait resté très ferme sur ses arguments. On pensait alors le projet de collaboration enterré. Mais des fuites écrites nous révèlent l’ultime proposition de Tesco:

Fuites écrites des négociations Festina-Tesco, de source anonyme.

Selon les informations dont nous disposons, cette proposition fut la bonne et définit les termes exactes de l’accord “Festina-Tesco”. Interrogé sur le sujet, le coureur britannique Mathew Halfltants n’a pas souhaité commenter les détails évoqués ci-dessus. Mais il a tenu à clarifier la situation: “Je tiens a vous dire qu’à jour d’aujourd’hui nous sommes tout autant Festina que Tesco. A 100% derrière ce projet commun. Il n y a plus de places aux clivages, j’aime plus fort que tout nos deux sponsors”.

Brexit Europe, Welcome the World

C’est donc officiel. Festina et Tesco s’aligneront ensemble sur toutes les courses BCF durant les deux prochaines saisons. Une formation balancée avec des coureurs racés. A la fois lieutenants, grimpeurs, punchers et sprinteurs (Braun Adrien, Antoine Delhasse, Benjamin Cortier, Jim Bourgoignie, Greg Chaput, Al Rings et Mathew Halflants). Reste à leur directeur sportif, l’expérimenté Laurent Moies, de trouver la bonne recette pour que la mayonnaise prenne. Avant même la publication officielle du calendrier des classiques 2020 par BSO, cet accord hors norme vient déjà confirmer une chose. Si les britanniques ont quitté l’Europe cette semaine, ils visent à reconquérir le monde sur le vélo.

Chaput, Rings et Halflants viendront s’ajouter sur la prochaine photo de classe « Festina-Tesco ».

Partager