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Soleil, détente et rencontres

Depuis le site exceptionnel de l’abbaye de Maredsous, les coureurs se sont élancés pour la Route des moines. Les premières belles rencontres en peloton cette saison. Mais de quelle « saison » ? À l’arrivée, il était difficile d’évaluer si les coureurs revenaient d’une printanière où d’un cyclocross hivernal. Retour sur les moments forts de ce rassemblement où, malgré avoir mis tout un monastère sur le coup, les dieux de la météo n’étaient pas de notre côté.

Plaisirs d’hiver sur la « patinoire de Mettet ».

Attention à la mousse !

Toujours coincés à l’observatoire météorologique d’Uccle depuis le National, la formation Duvel nous avait annoncé une pluviométrie record sur le parcours. Heureusement, les chutes d’eau n’étaient finalement pas aussi conséquentes. Mais cela n’a pas empêché un autre festival de chutes, à deux roues cette fois.

Avec des routes plus humides que les caves d’une abbaye, les coureurs ont du faire preuve d’une concentration de tous les instants pour éviter le bain de boue. Comme sur cette fameuse ligne droite au coeur de l’étape. Une route agricole, à première vue anodine, fait tomber les coureurs comme des mouches. Rebaptisée la patinoire de Mettet, il valait pourtant mieux éviter d’y utiliser ses patins… Un coup de frein et l’adhérence disparaissait. Et pour ceux tentant d’éviter un coureur au sol, aucune faute de carre n’était autorisée. C’est ainsi que des dizaines de vélos, et une moto, ont pu goûter à la terre fertile de nos contrées.

Suite au slide des premiers coureurs dans les labourés, des signaleurs sont restés postés au guichet de la patinoire afin d’alerter du danger. Mais cela n’empêchera pas les meilleurs patineurs du circuit de nous proposer, au ralenti, leur vision revisitée du triple axel.

Après le verglas d’été de la Magerotte (septembre 2022), voici le nouveau débat qui divise le peloton. Quel phénomène à pu causer de telles glissades ?

Attention à la mousse !

Sur d’autres secteurs, la pluie semblait avoir gagné sa bataille sur une terre qui ne pouvait plus rien avaler. La route laissant la place à des flaques si grandes qu’il n’aurait pas été étonnant d’y croiser des poissons en ce premier avril. Si les coureurs les plus respectueux de la règle d’or des « 3 S » ont pu éviter les mauvaises surprises en contournant l’obstacle, d’autres optaient pour l’option triathlon. Un plongeon risqué puisque derrière la flaque se cachait parfois une baignoire. Ils sont plusieurs sinistrés à en avoir fait les frais, nouvelles victimes des inondations qui frappent la Wallonie.

Il était facile de reconnaitre les meilleurs suceurs de roue du peloton à l’arrivée.

135, Whaaat ?

Côté sportif, les cadors ne sont pas passés à côté du test en Men et Women Pro Tour. En Continental en revanche, le top 10 est insolite et orphelin du podium du National. Pour Pigeolet, Gambardella et Melin, l’habit tricolore ne fait visiblement pas le moine.

Plus sérieusement, que se passe-t-il en Continental ? Si le top 10 est surprenant, les performances des coureurs le sont tout autant ! Les observateurs ont ainsi directement constaté que le chrono des vainqueurs y est meilleur qu’en Pro Tour. Mais le plus étonnant, c’est que cette tendance se répète presque partout dans les classements. Ainsi pour entrer dans le top 20 Continental, il fallait faire un meilleur temps … que dans le top 20 Pro Tour (02:07:22 vs 02:07:33). Pour le top 40, rebollote (02:11:28 vs 02:11:40). Et pour le top 60 ? Vous m’avez compris (02:15:45 vs 02:16:07).

Ce qui surprend également c’est l’apparition de plusieurs nouvelles formations et la renaissance d’anciennes équipes au sein du top 10. La Soil Capital place ainsi 2 coureurs (Geremi, 6e et Ewbank, 8e). Peu visible dans le haut de tableau la saison dernière, Babylon By Bike a visiblement fait le plein d’expérience et débute sa deuxième saison avec des ambitions en catapultant Cartuyvels aux portes de l’Eden (5e). À leur côté, on retrouve de nouveaux visages, comme la Jumbro’ Vismousse qui confirme son début de saison tonitruant avec trois coureurs aux avant-postes (Hannaert, 4e, Delpedrange, 7 et Gueuning, 13e). Pour Ben Peeters (Redoutable-DH), il était forcément difficile de mettre le feu aux poudres avec l’humidité ambiante. Mais malgré son pétard mouillé lors du sprint final, le grimpeur redoutable termine 9e. Juste devant Antoine Guilmot (GO Font Duvel’O) qui se sent pousser des ailes avec le maillot bleu sur les épaules. Aux portes du top 10, Soenen (Novicebar) décroche une jolie 11e place et remporte son groupe en solitaire. L’Ardennais dont on avait déjà découvert le punch sur Whatsapp, assomment ses concurrents dès l’ascension du col de Boly (km 2). Notons également les débuts réussis de Detroux (Velo si bo Temps, 12e) et le succès de l’opération relégation des Palestine Start Up Nation (Spineux, 14e).

Epuisés par les efforts sur le vélo, c’est dans la voiture balais que les coureurs Novicebar ont été forcés de quitter la buvette.

Mais la bombe wattomique du peloton est lancée par la nouvelle formation 135W. Un tremblement de watts qui détache la plaque tectonique continentale. Seuls sur leur planète, les vainqueurs mettront même 4 minutes au Pro Tour à l’arrivée (01:54:34). Dans l’ordre, Baiolet, Champenois et Marchetti occupent les trois premières places du podium. Moine, two, three.

Chez les femmes, on prend les mêmes, mais on remélange. Cette fois, de Halleux (Tuesday Hiboo) devance Van Belleghem (8L) et Lucarain (CCC – Team Beryl). Le top 10 confirme aussi l’éclosion de coureuses ayant déjà laissé entrevoir de très belles choses lors du National. Les Lotto Soutard Philippine de Radiguès et Anne-Sophie Lambert sont en embuscade derrière le trio magique (5e et 6e). Transformée en équipière de luxe depuis l’arrivée de de Halleux dans l’équipe, de Troostembergh rappelle qu’on ne remporte pas le Tour des Vosges par hasard. L’ancienne maillot jaune repart avec la médaille en chocolat (4e), mais devrait recevoir sa carte personnelle durant la suite de la saison. Tout comme ses coéquipières Plennevaux et Beuls (8e et 9e, Tuesday Hiboo). Fraichement débarquée au sein du peloton, Margaux Guyot (La Flamme) débute sa carrière avec un top 10 (7e) et annonce les plus belles choses pour son avenir dans le vélo. De l’autre côté de la pyramide des âges, Nathalie ‘Longo’ de Valensart casse les codes. À 52 ans, la doyenne du peloton rejoint l’abbaye en 12e position.

Lambert et de Radigues (Lotto Soutard) sortent la tête de l’eau, mais doivent lutter face au vent au sommet de l’interminable col de Biert.

Chez les pro, il y en a un qui avait visiblement hâte de remettre l’église au milieu de l’abbaye. Lassé de jouer aux apôtres durant le National, Paul (K7) part en pèlerinage dès le km 5. Un chemin de croix de 65 bornes, poursuivi par Quentin Borcy et son éternel rival Pierre Haennecour (EF). Mais Asselberghs ne sera pas revu et fait d’un « Pierre » trois coups en remportant son groupe, la classique et le maillot bleu par dessus le marché. Derrière le trio, on retrouve Guillaume Spoel (Camber-Krefel) qui réussit sa promotion chez les pro en doublant au sprint le crack Louis Heurion (Team GT). Hendrix (Fahrbar), Kies (Bicyket), Carette (DFF) A. Jardon (Renowindow) et Colson (SMIP) complètent un haut de tableau XXL.

Quentin Borcy (EF, premier plan) réalise avec cette deuxième place son meilleur résultat sur le circuit.

La règle de 5

Grande nouveauté de ce début de saison, l’arrivée d’un classement de temps par équipe. La règle est simple: on additionne le temps des 5 coureurs les mieux classés, et on voit ce que cela donne ! Dans cet exercice particulier, la pression ne se trouve plus que sur les épaules du leader mais bien sur celles de tous les coureurs à même de se positionner dans le général. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cela crée quelques surprises !

Surprise, vraiment ? Ici aussi les top équipes Men continentales performent mieux que leurs homologues en Pro Tour. Ainsi, les Bicykets remportent haut la main le classement Pro Tour (10:49:27). Mais la bande à De Knoop n’accrocherait que la 3e marche du podium en Continental. Pour quelques petites secondes de mieux que Sterke Renmans, mais derrière la solide Jumbro’ Vismousse (10:38:16) et 135W (10:21:15). Deuxième surprise, l’armada K7 ne joue plus les avant-postes… loin de là ! La première équipe au classement par points est dernière au classement de temps.

Chez les femmes, c’est le carton plein pour les nouvelles écuries La Cavale et La Flamme aux deuxième et troisième places du podium. Un début réussi, même si elles sont devancées par les Tuesday Hiboo, qui se sont battues à tous les échelons pour assurer une confortable première place.

Thallasso thérapie pour la « Jumboue » Vismousse, avec bain de boue et soins de visage.

On a commencé ensemble, on finira ensemble

Auteur d’un solide début d’étape, Jeremy Calloud (Grolla) ne parviendra pas à relier Maredsous sur le vélo. En pleine bourre avec son compagnon d’échappée Seynaeve (Fahrbar), Jeb est surpris par un nid de poule caché sous la flaque. Blessé, il est contraint à l’abandon. Mais il ne délaisse pas son peloton pour autant en restant debout au bord de la route malgré un menton ensanglanté. Jeb crie et alerte du danger tous les coureurs qui suivront. En bon samaritain, il évite probablement la même mésaventure à quelques collègues. Alors si Calloud repart de Maredsous avec 15 points de participation et 5 points de sutures, sa cagnotte augmente surtout de 100 points, avec le combatif !

Si ça ne vous suffit pas, Jeb pose un certif’ en début de semaine. Ouais, faut pas exagérer… Mais plutôt que de se reposer tranquillement, il confie son temps libre à Jean Stat® et son amour des statistiques. Grâce aux travaux de Jeb, une nouvelle section apparait désormais sur la page des classements de la saison pour le plus grand plaisir des amoureux du chiffre: Stats by Jean Stat®.

Opération Thermos. Jeb Calloud était mal en point lors de son retour à Maredsous.

Le vent et la pluie ne semblent en revanche pas avoir posé trop de problèmes au sein du Women Pro Tour. En tout cas, pas de quoi en faire un fromage. Peu de chutes et 120 coureuses au départ. Le record absolu depuis la création du peloton féminin ! BOUM.

Parmi les concurrentes, il y avait évidemment un paquet de guerrières. Au coeur de la tempête, Marine Berger (Lotto-Soutard) émerge. C’est sur un tandem que Marine prend le départ de la Route des moines puisqu’ils étaient deux sur la bécane. Un futur champion dans le ventre et une super maman au commande. Enceinte de 4 mois, elle s’aligne avec la ferme volonté d’aider ses coéquipières au classement collectif. Alors qu’il pleut bergère, Marine passe la ligne d’arrivée dans un état proche de l’hypoglycémie. Mais Berger a rempli sa mission en réalisant le 5e temps des Lotto au général. Héros du jour, le bébé a visiblement déjà une bonne étoile car il offre à l’équipe de sa maman les 100 points bleus de la combativité. Il écope par la même occasion d’un surnom pour sa future carrière dans le vélo, l’étoile du Berger.

En continental, les équipiers de Romain van der Pluym (La Redoutable – DH) peuvent lui dire merci. Tout d’abord car c’est grâce à lui, fondateur de l’équipe, qu’ils se retrouvent à rouler par 5 degrés dans la boue et la pluie un samedi d’avril. Super, merci Romain ! Ensuite parce que la prestation de VDP a été tout simplement exemplaire. À peine remis d’une chute, Romain perd des plumes mais tire ses coéquipiers face aux éléments à coup de relais sacrifice. Plus tard, il laissera encore filer son propre classement pour venir en aide et réparer de ses mains la roue endommagée d’un équipier. « On a débuté ensemble, on finira ensemble« . Voilà qui résume bien l’esprit de combativité et la mentalité d’équipe de van der Pluym. Il est le combatif du jour !

Après la pluie vient le beau temps

Pour récupérer des efforts et oublier la tempête, c’est dans la bonne humeur que le peloton se retrouve, et pour certains se découvre, dans le chapiteau de l’abbaye. Aux platines, notre DJ-resident Jean-Lou. Comme à son habitude, l’octogénaire met le feu aux poudres dans un décor qui ressemble plus aux after-feesten d’une kermesse cyclocross flamande qu’à la vie monastique. Et c’est probablement pas plus mal ! Car il y avait beaucoup de choses à célébrer, de belles rencontres à faire et pas mal de pression à relâcher après un mois d’ouverture intense et complètement fou.

Ça y est, le National et la Route des moines sont passées. Le soleil peut revenir ! Mais cette-fois, on compte sur lui pour nous rester fidèle. Car la prochaine étape, c’est déjà le Tour du Jura et ses cinq rendez-vous. Dans quelques semaines, une partie du peloton se retrouvera sur les hauteurs du Fort Saint-André, dans la ville thermale de Salins-les-bains. Pour les autres, il est temps de souffler avant la double échéance du mois de juin: le chrono par équipe de Bertinchamps et le BXL Tour. Deux classiques qui feront plaisir aux rouleurs car en termes d’ascension, on ne devraient rien croiser de comparable au degré d’élévation d’une Maredsous triple.

Messieurs les coureurs, mesdames les coureuses, merci pour ce début de saison exceptionnel. Vous nous avez régalé.

Un début de saison renversant !
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