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À nous

Samedi dernier, la classique de la Magerotte a clôturé l’année cycliste BCF. Une saison à rebondissements dont les derniers verdicts sont tombés sur les pentes ardennaises. Retour sur les enjeux sportifs de cette dernière classique.

Les supporters sont venus nombreux pour encourager les coureurs sur la ligne de départ.

Allez les bleus !

Dans la lutte pour le maillot de la saison, la bataille s’annonçait terrible en Women et Men Pro Tour. Séparés d’à peine quelques points, les candidats au titre suprême devaient tous sortir le grand jeu pour rêver de l’emporter.

Le Duel du siècle

Chez les femmes, cela se joue entre Morgane de Halleux (961 pts, Tuesday Hiboo) et Clarisse Van Belleghem (964 pts, 8L). Après 8 classiques et des milliers de points en jeu, nous en sommes là … un écart de 3 petits points. C’est tout ce qui sépare deux championnes qui se tirent la bourre, et s’échange le maillot bleu, depuis le début de la saison.

Jamais la lutte pour le maillot bleu n’avait été aussi serrée dans le peloton féminin.

Sur le parcours accidenté de la Magerotte, les bookmakers donnent un léger avantage à Van Belleghem. Pour l’emporter, la grimpeuse espère se débarrasser de de Halleux dans les portions les plus raides du circuit. Dès l’entame du segment bleu, Van Belleghem place ses concurrentes en détresse respiratoire dans la terrible ascension du Crawy (hors catégorie) et se retrouve déjà seule en tête. Mais elle le sait, l’étape est longue et le vent défavorable sur les 30 derniers kilomètres. Alors, elle se relève et assure le regroupement avec ses poursuivantes. Mais pour toutes les candidates à la victoire, le message est limpide et réceptionné 5 sur 5. Clarisse est venue pour tout faire péter et il va falloir s’accrocher !

Ce scénario se répète dans les autres difficultés de la journée tandis que le groupe des cadors s’écrème. Mais au pied de la dernière ascension, elles sont encore quatre à pouvoir se disputer la victoire: Van Belleghem, de Halleux et les deux coureuses CCC Juliette Lucarain et Róisin Mossop.

Juliette Lucarain (CCC Team Beryl) dans la dernière côte du parcours.

Clarisse n’a plus le choix. Pour espérer enfin décrocher Morgane de sa roue, il faut imposer un rythme infernal sur la dernière côte classée 1ère catégorie. Et boum ! Les spectateurs voient défiler quatre missiles, tous téléguidés vers la ferme des Rabanisse. Toujours emmené par une Van Belleghem déchainée, le quatuor s’accroche. Mais pour les deux coureuses CCC, la violence de l’effort devient trop grande. Lucarain et Mossop décrochent tandis que le duo magique s’envole pour le duel tant attendu. Clarisse et Morgane sont roue dans roue au sommet des Cresses de Forrières. Il reste un kilomètre.

Si CVB n’a rien à ne se reprocher jusqu’à ce moment précis de la course, c’est sans doute ici qu’elle commet sa seule erreur. Fatale. Après avoir tiré sa concurrente lors de toute l’ascension, Clarisse se retrouve en position défavorable à l’approche d’un dernier kilomètre extrêmement roulant. Mais plutôt que de se relever et de laisser l’initiative à de Halleux plus à l’aise sur ce terrain, Van Belleghem continue d’imposer un rythme soutenu après la bascule. Comme le montre très bien les images télévisées, elle offre de la sorte un lead out presque parfait pour emmener MDH jusqu’au sprint final. Épuisée par tant d’efforts, Cla’ ne peut plus rien faire lorsque de Halleux déboule sur sa gauche dans les derniers mètres de la saison. Au bout du suspens et d’une saga exceptionnelle entre les deux championnes, c’est Morgane de Halleux qui endosse le maillot bleu en Women Pro Tour !

Les trois fantastiques

En Men Pro Tour, le suspens est tout aussi insoutenable. Mais cette fois-ci, ils sont trois à pouvoir entrer dans l’histoire: Asselberghs (824 pts, K7), Borcy (813 pts, EF-Bon Secours) et Kies (777 pts, Bicykets). Dans ce trio, l’outsider se nomme William Kies. S’il finit premier et qu’Asselberghs n’est pas deuxième, il sera sacré champion de la saison. Un scénario loin d’être impossible puisque, selon les bookmakers, il aurait 23% de chance de repartir avec le maillot sur les épaules.

Si Asselberghs est favori, Kies et Borcy avaient leur chance à Rochefort !

Moins en jambes que ses concurrents sur cette dernière course, Quentin Borcy est le premier à lâcher prise sur les pentes de la vallée de l’Ourthe. Mais il n’est pas le seul. Après l’ascension de la troisième difficulté hors catégorie de la journée (Col des Grottes), Asselberghs est déjà isolé tandis que Kies peut encore compter sur le soutien de son équipier Hadrien Delatte. Intercalés entre le peloton et les échappés, le trio ne joue plus la gagne de l’étape mais a les yeux rivés sur le maillot de la saison.

Toujours aussi généreux dans l’effort, c’est Delatte qui impose le rythme en prenant la majorité des relais au sein de ce ménage à trois. Bien installés dans son coffre, Kies et Asselberghs discutent. Au-delà de l’enjeu énorme, les deux hommes sont amis dans la vie et se respectent. C’est même Asselberghs qui passera sa gourde à son éternel rival lorsque ce dernier indiquera être à court d’eau.

2 contre 1. Il reste 5km avant l’arrivée.

Comme chez les femmes, c’est sur la dernière bosse de la journée que le maillot bleu va se décider. Avec Delatte à ses côtés, Kies a l’avantage numérique. On s’attend donc à un feu d’artifice de la part des coureurs Bicykets. Mais dès les premiers mètres d’ascension, Kies recule. Après la gourde, c’est le réservoir musculaire de William qui semble être à sec. Les spectateurs amassés au bord des routes ne se font pas d’illusion. C’est fini. Au tempo, Paul prend logiquement ses distances sur ses compagnons de route. Très en jambe, Delatte aurait sans doute pu suivre le maillot jaune du Tour. Mais en lieutenant modèle, il décide de rester au côté de son leader meurtri. La main dans le dos, il l’aide à grimper. Mètre après mètre, les deux hommes font honneur aux valeurs de la fédération: effort, vélo, passion.

Foule continentale

En Men Continental, il n’y avait plus grand monde pour prétendre au titre suprême. Il fallait un exploit de Ewbank (633 pts, Soil Capital) et surtout une fameuse défaillance de Decoene (789 pts, Giklets) pour changer le cours de l’histoire. En terminant aux portes du podium à la Magerotte, Ewbank aura tout donné et n’aura pas de regret à nourrir. Car derrière, Decoene fait le job. Avec une 8e place sur cette dernière bleusaille, le jeune bleu réussit son baptême pour sa première année à l’école des champions. Il intègre le cercle, très fermé, des légendes du peloton. La grande distinction !

Catch me if you can

Hormis chez les femmes ou Morgane l’emporte, la victoire d’étape ne s’est pas dessinée sur la même page que la bataille pour le maillot bleu. En Continental, Thibault Melin (Duvel Cycling) était visiblement pressé d’en finir avec cette saison. Dès le départ réel, il place ses concurrents et tous les candidats au maillot bleu gueule en terre. Rappelant qu’il est le meilleur grimpeur du circuit, Melin s’envole dans le col du Crawy pour démarrer un des plus longs raids solitaires de sa carrière (65km en tête). Dans les autres groupes, la poursuite est lancée mais personne ne parviendra à faire mieux que l’enfant terrible du peloton. À l’arrivée, Melin devance Semal (Betafence, longtemps annoncé vainqueur), Peeters (Redoutable-DH), Ewbank et le duo Cartuyvels-Dille (Babylon By Bike). Comme l’année dernière sur le Tour du Condroz, Melin clôture la saison sur la plus haute marche du podium. Mesdames et messieurs, écartez vous. On est pas l’abri d’une chute !

Contrairement à d’autres liquides, la pluie ne semble pas faire effet sur les capacités physiques de Melin.

Si Paul remporte la guerre des étoiles en Men Pro Tour, ce sont d’autres coureurs qui brillent au palmarès de la classique. Seul rescapé de l’échappée matinale, Maxime Willocx (Wyfibox) semblait avoir des jambes des faux. Mais seul contre les éléments, il est repris par le groupe des poursuivants à quelques kilomètres de l’ascension finale. Avec les frères Spoel (Camber – Krëfel) et Arnaud Stas (Grolla), Willocx forme un peloton de vedettes en manque de victoire qui se présente pour jouer la gagne à Rochefort. Bénéficiant de la supériorité numérique, les frères Spoel sont les premiers à mettre le feu aux poudres. Après l’attaque de Guillaume, c’est le frère ainé qui place une accélération tranchante que seul Willocx peut suivre. Les deux hommes basculent au sommet avec quelques mètres d’avance sur les deux suivants. Il reste un kilomètre et la gagne devrait se jouer entre Paul Spoel et Maxime Willocx. Visiblement en manque de fraicheur après les efforts solitaires de son échappée, le coureur Wyfibox est battu par Paul Spoel qui remporte la deuxième classique de sa carrière (après les Routes Noires, 2022).

Un demi pois

Malgré le profil très accidenté et les nombreux points grimpeurs à prendre sur cette dernière épreuve, le maillot à pois ne semblait plus vraiment en jeu au sein des trois pelotons. Confortablement installé à la première place du Men Pro Tour, Jérémy Chevalier (K7) dispose d’une avance de 118,5 points sur son plus proche poursuivant Arnaud Hendrix (Fahrbar). Bref, la partie est jouée.

Mais tout change lorsque, victime d’une crevaison, Hendrix décide d’oublier le général pour se concentrer uniquement sur les segments de la classique. La mission est claire: récolter 119 points de plus que son adversaire pour essuyer son retard au classement de la montagne. Mission impossible ? Oui, bien sur. En tout cas, c’est ce que tout le monde pensait.

Regonflés à bloc, les pneus d’Hendrix entament la tournée des bars sur les segments. À l’arrivée, Hendrix est bourré de points. Mais pas encore comme toute la Pologne. Avec 118 points récoltés, il loupe les Polka Dots pour 0,5 point. Du jamais vu !

Un demi point d’avance récolté sur le Grand Prix des Collines (où les points étaient divisés par deux)

Parmi les autres thrillers de fin de saison, nous retenons la splendide bataille pour le maillot noir Pro Tour puisque c’est au sprint que se sont départagés Colson (SMIP-Café Bastoche) et Carette (DFF). Comme d’habitude, la course aux points (meilleur performance sur un sprint et un segment grimpeur définis) nous aura également réservé de jolies surprises. En Pro Tour, Antoine Vandamme (Fyscalis) confirme qu’il est le spécialiste de la discipline puisqu’il repart avec son deuxième maillot à points de la saison. Chez les femmes, Stefanie Carbonez (EF) remporte sa première tunique tout comme Dorian Nève (GO) après une belle bataille continentale avec Maxime Jacques (Redoutable – DH).

Au classement par équipe de la saison, c’est grâce à une nouvelle très solide performance collective que les 8L sortent victorieuses du duel qui les opposait au Tuesday Hiboo. Chez les hommes, les meilleurs crus 2023 se nomment K7 Cycling (Pro Tour) et GO FONT DUVEL’o (Continental).

À toi

Comme souvent, cette chronique sportive se termine avec un hommage à tous les coureurs combatifs du peloton. À toi. À cette façon que tu as d’être sur selle. À la façon que tu as d’être toi. À tes mollets un peu artificiels, quelquefois. À nous.

Pour le Women Pro Tour, c’est une première. L’attribution du prix de la combativité féminin a été déléguée au collectif des sages et ex-porteurs du maillot combatif. Voici le verdict de ce groupe des anciens combattants :

La discussion aurait pu se terminer sur un cas de jurisprudence historique. Le nom de Clarisse de la 8L étant revenu plusieurs fois sur le tapis afin de souligner son abnégation, son courage, et sa capacité à ne jamais renoncer, bref, sa combattivité. Mais lui octroyer le prix pour l’ensemble de son œuvre aurait eu pour conséquence de lui attribuer suffisamment de points bleus extra-sportifs que pour remporter le classement de la saison. Le comité des sages rouges ne souhaite donc pas répéter l’erreur grossière des commissaires à Chimay (attribution de pénalités extra-sportives) qui avait conduit à des podiums sportivement faussés. Clarisse, tu es très fort dans notre cœur, mais le maillot ne sera pas pour toi.

La BCF, c’est ce petit soupçon de magie qui nous pousse à nous dépasser : toujours plus vite, toujours plus loin, toujours plus … haut ? La Magerotte et ses nombreux mètres de dénivelé positif présentaient un défi de taille pour qui n’aime pas les côtes. Mais grâce à son Scott Nimbus 2000, Alice Boute-Granger (SHIMAGO) a survolé les montées et atteint les sommets. L’audio-book Harry Potter à plein volume dans les oreilles, elle file aussi vite qu’un hippogriffe en furie jusqu’à l’arrivée où elle peut enfin se désaltérer avec une bonne bière au beurre.
ACCIO maillot rouge !

Autre contribution du groupe des combatifs: ce montage photo très réussi inspiré du Cerbère, le « monstre à trois tête » de la saga Harry Potter. Ici représenté avec Van Belleghem, de Halleux et Guyot (La Flamme). (réalisation L. Nicodème)

En Men Pro Tour, Olivier Philippe (SMIP-Café Bastoche) aurait certainement mérité une distinction après avoir remporté son groupe de départ suite à un énième échappée solitaire. Tout comme Thomas Gehot (Arc-en-Ciel) qui a souffert, mais est arrivé au bout, pour son retour sur le vélo après des semaines d’incapacité. On ne peut pas non évincer l’esprit d’équipe et le sacrifice de Delatte (Bicyket) pour supporter son leader jusqu’au bout. Mais le choix du jury s’est finalement porté sur l’exemplarité d’un autre lieutenant. Entre la pluie, les fringales à répétition de deux de ses coéquipiers et la clavicule cassée d’un autre, Thomas Huberland (Pipettes Pack) n’aura pas eu une journée de tout repos. Celui qu’on surnomme l’épicier (pour sa capacité à rouler avec un garde à manger sur le dos) aura permis à plusieurs garçons d’arriver au bout à coup de ravito improvisés, d’encouragement et de relais-tracteur qu’il affectionne tant. À l’arrivée, ce sont surtout trois copains qui se tombent dans les bras, conscients d’être passés tout près de l’abandon sans le service cinq étoile de l’épicier.

En Continental, Yeho aurait pu clôturer sa saison XXL avec un nouveau trophée. Souffrant d’une entorse, le leader Urbike passe à travers la douleur et réalise un joli top 10. Mais c’est finalement l’histoire de Virgile Goyens qui aura le plus marqué les commissaires. Après 15km, le coureur Feestina est victime d’un ennui mécanique. Son petit plateau étant cassé, il décide d’abandonner. C’est alors qu’il croise la route de promeneurs qui le convainquent de continuer. Conquérant, Goyens remonte sur son grand plateau avec lequel il passera, sans jamais mettre pied à terre, tous les pourcentages de la journée. Et désormais, c’est encore sur un plateau qu’il offre le premier maillot distinctif à sa formation. Waar is da feestje ?

À nous

Voilà, la saison BCF c’est fini. Oui, c’est dur. Mais b*****, c’était beau ! Cette saison, ces émotions, ces efforts et cette passion. C’est le reflet d’un peloton qui vit le cyclisme à fond. Et si nous fêtons aujourd’hui les champions, c’est chaque coup de pédale de la saison qui mérite sa célébration.

Alors on se dit À nous !
Aux souvenirs que nous allons encore nous faire. À notre prochain premier rendez-vous.

À l’année prochaine !

Dikke kus.

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